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(posted on 23 Nov 2012)

LE PINCEAU

La toile est un piège.

Je tombe dedans tête première.

C’est une bande dessinée.

C'est un film.

C'est la vie pleine de couleurs et d'imprévus.

C'est l'âme du peintre, du maître et du créateur.

Le bâton savamment agrippé et installé je pense en blanc sur le blanc, sur le support, sur le papier immaculé. Ce sont des jeux patients de bleu nuit. Les idées s'entrechoquent et se matérialisent peu à peu dans tous les sens à toutes les sauces. Courage! J’entreprends l'arc-en-ciel. Ma recherche, mon œuvre, m’effraie. Sans soucis et sans arrière pensée je plonge.

Le vent vient de tourner!

Qui, car, pourquoi, comment.

Mon outil, mon instrument, mon ustensile, mon objet, c’est le pinceau : qu'il soit en poil de martre, de cheval, d’écureuil ou tout simplement synthétique, cela m'est égal : il boit énormément, bien gorgé de matière, parfois pleine pâte, parfois dilué, il attaque le geste de son maître. Mon pinceau se laisse escorter par des compagnons plus gros et plus petits, pour mieux inscrire, verser et propager ses mouvements. Les traces vigoureuses se mêlent aux chants des plus tendres. Tout est en place pour produire par magie la symphonie à ce point inachevée.

Je repars de plus belle.

J’inspire, j’essaie encore de ne pas penser.

Mon héros me guide…

Qu'est-ce que le mythe de l'inspiration. Par une nuit sombre, d’orage et de vent, de tempête sur les flots, par un froid soir d'hiver, … je me sentais … FOUTAISE! Des mots qui n'ont aucun sens pour moi. Mon inspiration : j’ouvre un pot de peinture, je dévisse un tube de pâte, je mouille le pinceau, je le trempe dans la couleur, et là, attelle-toi, c'est vraiment là que j’invente, que je saute dans le bain.

J'ai chaud,

J’ai froid,

Je n'existe plus,

Je suis seul au monde dans ma tour d'ivoire.

Je sens le besoin de partir plus loin : ma musique, la vraie musique, Bach, Beethoven, Rimski-Korsakov, Vivaldi, Verdi, appuient chaque battement de mon cœur comme une lanterne qui m’éclaire...

En parlant de lumière, cela me fait penser à ma mère. Maman Ninise était le phare de notre maison : elle me dit un jour lorsque j'ai voulu mettre les pieds aux Beaux-Arts après avoir coulé les cours de physique et de calcul différentiel et intégral : ‘’Te prendre et te mettre dans un milieu de perversion… quelle affaire!!!! Ma fille… C'est l'époque du peace and love, de Tex Lecor, de Woodstock, des existentialistes, de la fumée etc. disait-elle….’’ Avait-elle raison? Peut-être…

Je dessinais partout et tout le temps. Même pendant les cours au couvent et au collège pendant les dissertations, traquant les visages de mes compagnes et les choses les plus insolites et très souvent mes mains. Le jour où j'ai pu faire ce que j'ai aimé le plus a été la surprise de ma mère qui n’a pu faire autrement que d’éteindre son gyrophare. Elle me laissa voguer dans les eaux tumultueuses de l’Art. Quel bonheur que cette joie de vivre, joie de partager, joie de créer partout. Je voulais tout savoir, tout apprendre, toute lire, tout inventé, tout créé. Les heures les jours et les années passées au Beaux Arts ont filé comme un éclair.

L’art était partout!!!! Même dans mes plats : avec du poulet blanc, du chou-fleur blanc et une béchamel blanche je rehausse le tout avec une touche de carottes, ou de petits pois ou quelques brins de persil et une tomate cerise. Le pouvoir des couleurs était encore une fois à l’œuvre pour faire chanter l’assiette. Avec mon pinceau je badigeonnais des brochettes de poulet ou de bœuf en pensant aux autres choses que j’aurais pu faire avec.

Que de soupirs dans cette jeunesse mouvementée de ces premières années de mère et d’épouse.

Entre deux boires, deux couches, deux lavages, je cours vers mon pinceau : pendant les dodos de mes enfants j’entreprends une grande toile : quelques taches blanches de peinture à l’huile, forment des toits de neige.

O surprise! Les jumeaux s’accrochent dans la peinture fraîche, leurs culottes marines semblent enneigées: je répare le tout et m’empresse de voir au souper…le manche de ma poêle est tachée et à bien y penser je crois que nous avons tous goûter à l’essence de ce tableau.

Pas le temps de s’arrêter trop trop. Quelques instants de répits, crayon en main, entre deux lectures, je respire profondément et je m’accroche à mes passions.

Qui y a-t-il de plus romantique qu’une cordée de linge, de couches bien alignées, de petits chandails de couleurs pastelles variées : ça sent merveilleusement bon….ce sera sûrement une inspiration pour une prochaine série. Les cordées de mes voisines me font sourire : quelles histoires se cachent sous ces vêtements, draps ou serviettes bien rangées. II y a des lignes, du mouvement, de l’ordre, du désordre et de la fantaisie. Quel spectacle. De retour à l’intérieur la brosse me suit partout….la moppe, le balai, le plumeau, tout me rappelle pour l’instant cette passion qui me hante, ce bras qui veut faire et dire, ce lien entre le pinceau et le papier.

Comme des soupirs de bébé, petites fleurs blanches prêtes à éclore, je fixe le visage de mes petits à l’huile sur un papier de fortune. Je cherche des objets inanimés et j’essaie de leur donner une âme. Une simple cuillère à thé, une épingle à linge, un sac de papier brun et le tour est joué : ce sont les objets qui m’inspirent : il y en a partout! Je peins ce que je vois dans les fenêtres à carreau de ma maison. Il s’agit de les regarder autrement pour trouver en eux la beauté.

Je pratique ce que l’on appelle WABI-SABI. C’est l’art japonais de trouver la beauté dans l’imperfection et la profondeur dans la nature. C’est accepter le cycle normal de la croissance, de l’usure par le temps et de la mort. Il est simple, lent, et concis et il vénère l'authenticité surtout. Il nous rappelle que nous sommes des êtres passagers sur cette planète, que nos corps comme le monde matériel autour de nous sont en cours de renvoi à la poussière de laquelle nous sommes venus.

Fallait-il en parler ou se taire?

Cela dépend des gens qui m’écoutent ou en fait de moi-même.

J’ai donc décidé de poursuivre un peu, car mon intérêt pour ce genre de pensée et d’action est ce qui m’anime le plus.

Wabi vient de wa, de racine qui se rapporte à l’harmonie, à la paix : harmonie des premières années de mariage avec un mari étudiant, les premières heures de pratique, la construction de la clientèle et que dire des finances : cela devint tout un autre challenge : la paix de ma famille, la tranquillité des précieuses heures du soir où tout le monde dort, il faillait voir à l’équilibre de tout cela.

Cette philosophie est également ce qui concerne les choses qui passent qui sont passagères et transitoires. Inutile de dire qu’il y en avait plusieurs…

Le sabi signifie la simplicité, l’humilité par choix, c’est difficile de me croire, mais c’est mon but.

En somme l’idéal est d’être parfaitement bien avec soi-même avec la dignité et la grâce d’accepter le moment présent, leçon que j’ai reçue de ma grand-mère paternelle. C’est accepter également les images et les situations avec lesquelles ont vit. S’arrêter un moment, au moment présent, l’accepter et vivre pleinement devient comme une raison de vivre et de surmonter les obstacles qui brassent souvent notre vie.

Le wabi-sabi est une expression japonaise désignant un concept esthétique ou une disposition spirituelle, dérivé de principes bouddhiste zen, ainsi que du taoïsme. Le wabi-sabi relie deux principes :

  • Wabi : solitude, simplicité, mélancolie, nature, tristesse, dissymétrie...
  • Sabi : l'altération par le temps, la décrépitude des choses vieillissantes, la patine des objets. Le goût pour les choses vieillies qui ont du vécu...etc.

Je photographie n'importe quoi : je m’entoure d’objets que j'aime : je cherche des formes inusitées dans des gros plans : je m’attache à voir les choses que les autres ne voient pas. C’est comme une méditation.

C’est le retour à une simplicité, une sobriété paisible pouvant influencer positivement l'existence, où l'on peut reconnaître et ressentir la beauté des choses imparfaites, éphémères et modestes. Les objets gagnent la valeur par l'utilisation et l'âge.

Épluché vers le bas à son essence la plus nue, le wabi-sabi est l'art japonais de trouver la beauté dans l'imperfection et l’essence même dans la nature,

C’est le genre de tranquillité, l’éclat non déclaré qui attend patiemment pour être découvert. C'est une beauté richement mûre qui frappe mais non évidente. C’est ce qu’on peut imaginer avoir autour de soi pendant un long, long temps. C’est la paix trouvée dans un jardin de mousse, l'odeur de moisi des géraniums, le goût astringent du thé vert en poudre. Le wabi-sabi c’est l’appréciation esthétique active de la pauvreté dans le sens de simplicité. C’est une référence à la pauvreté, pas comme nous dans l'ouest l'interprétons, mais dans le sens plus romantique d'enlever le poids énorme de soucis de matériel de nos vies. Wabi provient du wa de racine, qui se rapporte à l'harmonie, à la paix, à la tranquillité et à l'équilibre. D'une manière générale, le wabi a eu la signification originale de triste, de désolé, et de seul, mais poétiquement il signifie simple, non matérialiste, humble par choix, dans l'air avec la nature. Quelqu'un qui est parfaitement soi-même et n'implore jamais pour être toute autre chose, serait décrit comme wabi. Le maître Jo-o de thé de Seizième-siècle a décrit un homme de thé de wabi en tant que quelqu'un qui ne sent aucun mécontentement quoiqu'il ne possède aucun ustensile chinois avec lequel il conduit la cérémonie du thé. Une expression commune utilisée en même temps que le wabi est « la joie du petit moine dans sa robe longue vent-déchirée. » Une personne de wabi se résume Zen, qui est de dire, que l’on se contente avec très peu ; libéré de la convoitise, de l'indolence et de la colère, on comprend la sagesse des roches et des sauterelles. C'est l'arrangement que la beauté est passagère. La signification des sabi s'est transformée en prendre plaisir dans les choses qui étaient vieilles et fanées.

Les choses de Sabi portent le fardeau de leurs années avec la dignité et la grâce : la surface chinée fraîche d'une cuvette argentée oxydée, le gris du bois de grange altéré par les années, le flétrissement élégant d'une branche dénudée en automne... Il y a une poésie qui vénère les choses qui portent cette patine, et elle dépasse le japonais. Nous cherchons le sabi dans les antiquités et essayons même de le fabriquer dans l'ameublement. Le sabi vrai ne peut pas être acquis, cependant. C'est un cadeau du temps. Maintenant nous avons le wabi, qui est effacé et simple, et le sabi, qui est altéré, changé et modifié par le temps. L'amalgamation du wabi et du sabi dans la pratique, cependant, prend beaucoup plus de profondeur. Le wabi-sabi s’inspire un minimalisme qui célèbre l'humain plutôt que la machine. Les matériaux normaux qui sont vulnérables à la désagrégation se déforment, rétrécissent, fendent et sont dégarnis et dépouillés.

Ainsi, on peut voir et sentir autrement.

Partager une tasse de thé, qu’est ce qu’un tel moment pourrait apporter ? Dans l’étude de la cérémonie du thé, on nous rappelle constamment aux que chaque rencontre est une occasion pour apprécier la bonne compagnie, le bel art et une tasse de thé. On ne sait jamais ce qui pourrait se produire le lendemain ou même plus tard aujourd'hui. Cette pause est si importante pour partager la conversation et une tasse de thé avec quelqu'un que l’on apprécie et que l’on aime est une occasion unique de favoriser la paix. C’est de cette de paix, cette harmonie et de cette amitié que le véritable esprit de wabi-sabi émerge. Wabi-sabi est une mentalité. Il n'y a aucune liste de règles ; en fait c’est apprendre à être satisfait de la vie dans le moment présent. Dans l'étude pour conduire le thé, on nous enseigne à manipuler chaque ustensile, du godet en bambou, à l'eau dans le bol de thé, comme s’ils étaient précieux, avec le même respect et soin que l’on a l'habitude de manipuler une antiquité rare et précieuse. On peut faire la même chose avec les articles que l’on utilise tous les jours.

Bilan d’une époque et règle de vie!

Un jour, j'ai dressé une liste sur deux colonnes, d'un coté, mes sources de plaisir, de l'autre, mes tristesses. La première était la plus longue, je peux dire qu'il ne tient qu'à moi de l'allonger davantage. Quand ça ne va pas, change-toi les idées comme tu as su si bien faire avec les petits et parfois les grands lors d’une peine ou d’un gros bobo. Prends une grosse bouffée d’air, regarde autour de toi, cherche encore l’objet le plus inusité.

Cherche les senteurs et les odeurs,

Écoute les bruits et les chants,

Touche et caresse les objets,

Goûte et déguste tranquillement,

Trouve!!!!!

Comment céder à la déception, à la grisaille quand on sait se rendre ouvert et réceptif à l'infini beauté du monde !

Se réjouir de peu de choses, se contenter du minimum, festoyer d'un rien, c’est l’ultime plaisir. Les secondes tristes se transforment en moments de plénitude.

Cher pinceau, avec la fin de mon récit, laisse-moi te dire comme tu m’es nécessaire et essentiel.

Goûte, dévore,

Hume, ressens,

Écoute, touche,

Observe, découvre,

Cuisine,

Rencontre, partage,

Lis, écris, dessine,

Vibre,

Tu seras toujours serein.

Tu es un cadeau, ma richesse et mes mots